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La journée fractale du Moine Futuriste

La journée fractale du Moine Futuriste

Certains ont leurs journées organisées autour d’un canevas plutôt rigide. Travailler, manger, dormir, rince and repeat. Une légère variation, où le travail est plus ou moins remplacé par l’entraînement, a été à la mode pendant des années chez les amateurs de fitness. Une journée faite d’étapes bien définies, une routine régulière dans le temps, et voilà.

Comme vous pouvez le deviner, la journée ou plutôt le type de journée dont je vais vous parler est un brin plus complexe. Nous avons presque tous un certain degré de routine dans nos vies mais pouvons avoir un canevas très peu rigide, voire pas de canevas du tout.

Quand vous travaillez comme consultant, ou comme freelancer, et que vous vous retrouvez à travailler 60 heures par semaine pour terminer un projet, puis que la semaine suivante vos heures de travail fondent comme neige au soleil suite à une chute du marché, ou qu’un lundi soir vous faites la plus grosse fête de votre semaine, vous levez à 11h le mardi matin et parvenez à travailler jusqu’à dix heures du soir : où est le canevas ?

En surface, nos vies peuvent sembler franchement destructurées. Un ami freelancer, qui devait finir une traduction longue et technique ASAP, a fui son bureau et invité sa femme à écluser une ou deux pintes au bar le plus proche. C’est seulement après cette pause d’une nature inhabituelle qu’il est retourné à sa chaise, à son clavier et a terminé sa traduction. De la même manière, les aficionados du fitness passent souvent une bonne partie de leur séance en salle de musculation sur leur iPhone. Pour ma part, j’aime tirer parti des petites situations d’attente du quotidien pour méditer, par exemple en attendant que le bus arrive.

Nos journées sont devenues fractales. En quelques mots, un objet ou un phénomène est fractal lorsqu’il montre une structure quasi similaire à des échelles très différentes. Le grand est dans le petit et vice versa. Nos vies sont plus variées, plus colorées, plus indigestes parfois qu’auparavant, et cela n’est pas le fruit d’une existence déstructurée, mais de l’arrivée d’un ordre nouveau, celui de la fractale. Un ordre à la régularité insoupçonnée bien que peu évidente si l’on ne sait pas comment regarder.

Tout est dans tout, et pas toujours au clair !

Pendant l’âge industriel, nos vies et nos sociétés étaient divisées en ensembles différents et plutôt bien définis. On allait à l’école, on écoutait un professeur huit heures par jour et on était isolé de la réalité du marché. Ensuite, on allait travailler et on n’apprenait plus grand-chose, puis une fois retraité on ne prétendait plus ni apprendre ni travailler et on passait sans doute bien trop de temps à remâcher ses souvenirs. Même chose dans la société où cols bleus et cols blancs ne se confondaient pas. La vie était peut-être monotone, mais l’ordre était clair pour tous.

Aujourd’hui, nous passons toutes nos vies à digérer de nouvelles informations, et qu’importe que l’on soit prépubère ou retraité. Nos enfants entrent en contact avec l’économie beaucoup plus tôt que nous. Un adolescent peut gagner son argent de poche en se proposant pour faire des pranks ou lire des messages face caméra sur un site de freelance. Nous faisons défiler nos fils Facebook au travail et travaillons au Starbucks. Des entreprises autorisent désormais la sieste au travail, qui améliorerait la productivité en permettant un meilleur repos, tandis qu’apporter du travail à la maison et répondre aux mails à toute heure est devenu normal. Les catégories nettement différentiées d’antan se sont dissoutes : quand travaillons-nous ? Quand sommes-nous en train de nous reposer, ou de réseauter, ou de créer ? On ne compte plus le nombre de créatifs, en art ou en marketing, qui ont eu leurs meilleures idées sous la douche.

Les bars à la mode ont une section librairie. Les hipsters, pardon, les jeunes branchés à bicyclette font leur cardio quotidien en même temps qu’ils vont au travail. Les compagnies aériennes low-cost permettent à presque tous de fuir l’hiver en allant au chaud à Noël puis sur les sommets des Alpes en été. Il y a un peu de tout un peu partout. Cela ressemble à un vaste chaos social, et pour cause, c’en est un : chacun a beaucoup plus d’options aujourd’hui qu’il n’en a jamais eu par le passé. Or, qui dit plus d’options (et plus d’agents !) dit aussi un nombre indéfini de scénarios, de combinaisons, de choix possibles. Le monde est imprévisible, les frontières peu nettes. Mais ce chaos même est au fond le début d’un ordre nouveau – un ordre fractal.

Cette jeune femme se trouve-t-elle dans un quartier « difficile » ou revitalisé ? Est-elle en train de « boboiser » le quartier ? Va-t-elle travailler, est-elle en train de faire du sport, de se distraire, ou juste de prendre une photo avec le skateboard d’un ami ? Beaucoup de possibilités, peu de certitudes.

Dans un monde fractal, tout peut être trouvé encore et encore à différentes échelles. Le monde est divers, les besoins des entreprises et des communautés multiples, et de même pour nos existences individuelles. Nous vivons déjà dans un monde fractal, que nous le voulions ou non. Pour survivre sur un marché instable et toujours changeant, nous devons faire un peu de ceci, un peu de cela. Concevoir, coder, rédiger, réseauter, promouvoir notre CV et nos services, et rester en forme, et… impossible d’échapper à cette multiplicité. Qui n’est que le reflet d’une pluralité semblable à des échelles beaucoup plus grandes.

Comme dit le proverbe, quand vous avez des citrons, faites-en une limonade. Nos vies sont déjà des éléments fractals dans un monde fractals. Autant, alors, en tirer parti.

Ajouter ajoute de la valeur

Quand je voyage, je porte des vêtements urban techwear réalisés avec des tissus d’avant-garde, certes parce qu’ils sont élégants et correspondent bien à mon identité de Moine Futuriste, mais aussi parce qu’ils sont très pratiques pour voyager. Je rencontre des spécialistes de domaines divers, et pourtant tous liés, pour alimenter ma vision et trouver peut-être quelques options. Il m’arrive de lire de vieux livres au coin du feu, soit une expérience particulièrement plaisante durant les hivers ardéchois, mais je me force aussi à regarder un peu de télé-réalité pour comprendre ce que tant de gens apprécient. (N’en déplaise à ceux qui se considèrent comme cultivés, mépriser Cosmo et Touche pas à mon poste ! est peut-être une erreur : ce sont des médias réellement influents et on ne devrait pas les ignorer trop facilement.)

En avion, je profite de ne pas avoir accès à Internet pour méditer ou simplement apprécier un moment sans dérangements. Dans mon appartement parisien, je coupe parfois le modem pour ne pas rester scotché au fil d’actualités Facebook, et en Ardèche, au milieu de nulle part, il m’arrive de travailler plus en alternant entre le potager et l’ordinateur, plus des voisins que j’ai déjà aidé à mieux vendre leurs fromages maison au-delà des frontières.

Une vie fractale n’est pas faite de « ou bien, ou bien » mais de « et ». Ça, et ça, et ça… les axiomes d’Aristote sont dépassés : le tiers exclu est désormais intégré, de même que le quart, le cinquième et ainsi de suite indéfiniment, tandis que les contradictions sont résolues et intégrées dans le vivre-ensemble.

Connor McGregor est-il davantage un combattant de MMA, un mannequin ou un habile people ?

Vivre consciemment une existence fractale, c’est vivre pleinement sa vie. Plus que jamais, vous pouvez développer votre potentiel, réaliser vos rêves, vos envies et faire des découvertes insolites. En une seule journée, vous pouvez visiter des expositions présentant des oeuvres de lieux et d’époques incroyablement distantes, pratiquer plusieurs sports, travailler, aimer et boire de délicieuses bières artisanales. Et je dis cela, mais vous avez très certainement aussi d’autres idées !

Nous retrouvons le motif fractal dans le vieillissement. Oui, nous vieillissons toujours, quoique moins et mieux qu’avant, la science étant bien passée par là. Mais c’est surtout notre rapport au vieillissement qui a changé : nous pouvons garder notre enfant intérieur pour toute la vie, nous indigner comme des adolescents même une fois retraités, devenir des experts de niveau mondial dans un domaine et des négociants hors pair sur un marché en perpétuelle ébullition tout en restant capables d’émerveillement devant Cendrillon. Un professeur de Paris IV a dit un jour que l’on pouvait rester, ou même redevenir, un teenager à 80 ans. Dans mon cas, j’ai bien du mal à l’imaginer, mais qui sait ? Le futur est insondable. Et c’est justement cela qui le rend si excitant.

Au final, nous vivons des vies complètes et épanouies lorsque nous touchons à la fois à l’archaïque et au futuriste. Je rappelle que les progressistes d’il y a quelques décennies rêvaient, pour certains, de détruire le Paris haussmanien en faveur d’un urbanisme totalitaire tandis que d’autres nous imaginaient mangeant exclusivement des purées faites à la machine. Le progrès ne prend pas toujours les chemins que l’on imagine. Dans ma maison ardéchoise, le potager est aussi important que l’éolienne, et Monsanto ne sera jamais à la hauteur des tomates du jardin. Quel que soit votre chemin, vous pouvez être sûr(e) d’une chose : ce sera fractal et, si vous le voulez bien, ce sera beau.

Dans un monde fractal, même le Moine Futuriste peut vous troller. Sans excès. 🙂

Vers l’émergence d’un moi supérieur ?

Certains ont fait remarquer que l’Occident tout entier était devenu une « société liquide », un blob sans forme ni substance, simple série d’apparences vides. En d’autres termes, nos sociétés seraient devenues un monde sans ordre. À cela, je répondrais que le monde est en réalité plus ordonné qu’avant, mais sur le modèle de la fractale, soit un modèle irréductible aux catégories relativement claires que nous connaissions avant. Nous assistons à l’émergence d’une conscience nouvelle, fractale, où le macrocosme se reflète dans le microcosme et inversement. Et quand le philosophe du XVIIIe David Hume avait, avec une actualité surprenante, pensé la liquidation du moi dans des impressions toujours changeantes, je dirais que mener une vie fractale, c’est avoir l’opportunité de trouver ce moi plus élevé que l’on réprimait dans le monde d’hiver.

Pour en savoir plus sur ce que les fractales ont à nous dire, vous pouvez lire Chaos, mode d’emploi, où votre serviteur évoque la philosophie intégrale, l’échelle de l’amour selon A. Toffler, l’importance des structures dans les structures dans les structures et bien plus encore.

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