Le choc des civilisations
Il y a quelques années, Samuel Huntington a connu un certain succès avec son livre Le choc des civilisations. Ce succès s’est démultiplié après le 11 septembre 2001 en popularisant le supposé conflit entre le monde musulman et le monde occidental.
Dans son livre, Huntington explique que le monde est divisé en grandes civilisations distinctes qui pour certaines ont pour vocation à se battre entre elles. Il fournit ainsi la carte de ces civilisations :
Je crois que ce monde, bien défini, avec des frontières très nettes et bien identifiées, n’existe plus. Ctte carte est devenue une illusion, une rémanence d’un monde révolu. Aujourd’hui l’autre, l’étranger, cela peut être son voisin ou son collègue de travail. J’ai plus de point commun avec mon amie Jawhara du Caire, avec mon ami Kai de Chine, mon amie Danya de New York, et tant d’autres si éloignés géographiquement de moi… qu’avec certains de mes voisins.
Un monde devenu fractal
Différentes communautés se développent localement partout dans le monde réel… et peut-être encore plus dans le monde virtuel. Je crois que la carte des civilisations ressemble aujourd’hui beaucoup plus à une image fractale comme celle-ci :
Nous sommes ainsi de plus en plus confrontés à « l’autre » à la différence. Il y a 100 ans peu de gens étaient confronté à des gens d’une culture différente. Aujourd’hui, votre voisin, votre collègue, votre client ou votre fournisseur sont de plus souvent d’un pays ou d’une culture différente. Jamais nous n’avons été autant confrontés à « l’autre » à la différence. Il est ainsi urgent d’apprendre à découvrir à gérer, voire à apprécier la différence car nous y sommes de plus en plus confrontés.
Les gens se rencontrent de plus en plus au-delà des distances et des cultures. Ainsi, le tourisme est la première industrie au monde en valeur et représente plus de 10 % du PNB mondial ! Ainsi se crée à la fois une culture cosmopolite globale et un monde de plus en plus fractal culturellement et géographiquement.
Nouvelle culture ou effondrement ?
Dans le même temps qu’émerge cette nouvelle culture cosmopolite mondiale faite à la fois d’unité et de diversité, on voit apparaitre le repli sur soi, et le rejet de l’autre, en particulier chez tous les laissés pour compte de cette mondialisation. Les plus pauvres sont en effet souvent les premières victimes des externalités de cette activité mondialisée. 40 % des habitants de la Terre ont moins de 2 USD par jour pour vivre. Pour certains d’entre eux, plongés dans la lutte quotidienne pour leur survie ou leurs besoins essentiels, ils sont au contraire en pleine « régression empathique ». De manière bien compréhensible, seule leur survie et celle de leurs proches comptent et « l’autre » redevient plus que jamais l’étranger, voire trop souvent l’ennemi, le responsable de ses souffrances.
Ces deux évolutions culturelles diamétralement opposées, l’une vers plus d’empathie, d’unité dans la diversité, et l’autre vers le repli sur soi, le racisme et la xénophobie sont un des signes de l’évolution de l’humanité vers une phase turbulente et chaotique.
Quelle était la probabilité pour un Nantais, un Parisien ou un Grenoblois de travailler quotidiennement, souvent à distance parfois dans le même bureau, avec un Chinois ou un Indien il y a vingt ans. Elle était quasi nulle. Internet n’existait pas et quelques échanges de fax ne ressemblaient pas beaucoup à une journée d’aujourd’hui, faite d’échanges continus de mails, d’appels téléphoniques, de visioconférences et de chat. Ainsi, dans certains secteurs, il est aujourd’hui même quasiment impossible de ne pas avoir des collègues du monde entier. C’est une évidence qu’il faut sans cesse rappeler : le monde s’est rétréci ! Les conflits, mais aussi les amitiés entre collègues sont maintenant elles-aussi globalisées !
Les frontières se sont rapprochées. L’ « autre », l’ « étranger » et devenu son voisin, son collègue. Et si l’on voit apparaitre de nouvelles formes exacerbées de repli sur soi, de racisme ou de xénophobie, on voit apparaitre simultanément de nouvelles relations amicales ou en tout cas respectueuses, au-delà des continents.
Le choc pour une civilisation
Aussi, je crois que cela n’est plus le temps de la guerre entre les civilisations mais le temps de la guerre pour la civilisation. N’en déplaise à Huntington, ce n’est pas le temps du choc des civilisations mais le temps du nécessaire choc pour une nouvelle civilisation.