La peur de la vieuxconisation
J’ai toujours eu peur de me vieuxconiser.
Cela serait en effet le comble pour un futuriste…
Les signes avant-coureurs
Les principaux signes avant-coureurs de la vieuxconisation se reconnaissent assez facilement et je les ai identifiés très tôt chez moi :
- Je commençais à penser que « c’était mieux avant » (quand on commence en plus à le dire à ses proches, la vieuxconisation a alors souvent atteint un stade irréversible…)
- Je trouvais que les « jeunes » avaient vraiment une vie facile comparée à la nôtre et encore plus à celle de nos parents
- Et plus les années passaient et plus dans mes mauvais jours, je trouvais que le monde n’avait plus de sens
J’ai lutté pendant de nombreuses années dès que je voyais apparaître en moi ces symptômes.
Et puis j’ai failli abandonner. J’étais moi aussi en train devenir un vieux con.
J’ai accepté ma vieuxconisation… en me disant que c’était quand même mieux que de se grosconiser (maladie qui, elle, peut vous atteindre dès le plus jeune âge !)
Une lueur d’espoir
Alors je me souviens du jour où j’ai eu une lueur d’espoir.
Il y a plus de 10 ans, j’ai créé avec mon ami Michel Saloff Coste l’Université Intégrale et je me souviens d’un débat que nous avions organisé avec Edgar Morin, Patrick Viveret et Thierry Gaudin.
Je ne pense pas leur faire offense en écrivant qu’à l’époque ils avaient déjà atteint un âge « honorable ».
Si certain pouvaient s’attendre à un débat un peu dépassé entre anciens, c’est bien l’inverse qui s’est produit ! J’avais l’impression de voir 3 jeunes se battre (à coup d’idées) dans un bac à sable, le tout avec une évidente joie et complicité.
Je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais fasciné.
Et je me suis dit : quand j’aurai leur âge, je veux être comme eux !
Ils me donnent envie de vieillir !
(Je ne savais pas encore que quelques années plus tard je co-écrirais un livre avec Edgar Morin et d’autres auteurs, Prospective d’un monde en mutation, Éditions l’Harmattan).
A l’inverse quand je vois certaines de mes anciennes idoles raconter n’importe quoi je n’ai vraiment pas envie de finir pareil.
Si ma liste personnelle des personnes qui me donne envie de vieillir est assez courte, la liste des vieux cons est, elle, comment dire… assez longue.
La gentillesse, et l’humilité… et le manque de place me retiennent de publier la liste…
Et pour paraphraser le grand philosophe Patrick Timsit, j’ai même l’impression qu’il y a de plus en plus de vieux cons et que cette année les vieux cons de l’année prochaine sont déjà là !
Alors que faire pour ralentir, à défaut d’empêcher l’inéluctable vieuxconisation ?
Comment être comme mes nouveaux modèles ? Comment rester « jeune d’esprit » ?
Le plus simple, cela a été pour moi d’observer les personnes qui me donnaient et me donnent encore envie de vieillir.
Les remèdes
A force d’observation, j’ai remarqué que toutes ces personnes partageaient un certain nombre de points communs :
- L’humilité
- Continuer à apprendre
- Fréquenter des jeunes
- Être curieux
- S’amuser
L’humilité
J’observe qu’à l’époque où les pseudos experts envahissent les plateaux de télé et les chaines YouTube pour asséner leurs vérités absolues à longueur de journée, il est devenu beaucoup plus difficile au cours d’un diner avec des amis ou au cours d’une simple conversation de dire les mots suivants :
- Je ne sais pas
- Je n’ai pas d’avis
- Je ne me suis pas suffisamment renseigné pour donner mon avis
Non, lire 3 articles sur Facebook et regarder 2 vidéos sur YouTube ne font pas de moi un épidémiologiste, un astrophysicien ou un expert géopolitique…
Alors, régulièrement au risque de surprendre, voire décevoir, mon auditoire, je n’hésite donc pas à dire « je ne sais pas »…
Continuer à apprendre
C’est pour moi un des enjeux majeurs dans un monde incertain et chaotique : comment apprendre à apprendre, apprendre à désapprendre, et apprendre à ré-apprendre.
J’ai écrit un article spécialement sur ce sujet, c’est ici !
Pour le résumer, c’est très simple : lisez des livres (et évitez les réseaux sociaux) !
Fréquenter des jeunes
Une des expériences les plus enrichissante et joyeuse que j’ai eu dans ma vie, c’est d’avoir été accepté par des amis plus jeunes que moi comme mentor. Dans d’autres circonstances, on dirait sûrement parrain ou marraine.
Je vous invite à chercher, à accueillir dans votre vie, un ou une jeune que vous pouvez aider par votre expérience et vos conseils, ou simplement par votre présence et votre écoute.
Bien sûr, cela ne marche pas avec vos propres enfants (la relation parent enfant est d’une toute autre nature…) mais peut-être un neveu, une nièce, le fils ou la fille d’un ami, d’un voisin…
Et ma propre expérience me prouve à chaque fois que j’apprends bien plus de ces jeunes qui me font l’honneur de leur confiance et de leur amitié que ce que je crois ils apprennent de moi…
J’ai ici une pensée émue, pleine d’amour et d’amitié, pour les plus proches d’entre eux qui me soutiennent et supportent mes « idées de boomers » (je les cite par ordre décroissant d’âge) : Valentin, Alexandre, Parker, Eliott. Merci à vous !
Je suis convaincu qu’ils m’aident à ralentir ma vieuxconisation et j’ai beaucoup de gratitude pour eux.
Être curieux
Un bon moyen pour moi, relativement facile, de rester jeune, c’est de découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles personnes, voyager (en vrai ou en lisant des livres).
J’aime beaucoup visiter un lieu que je ne connais pas, discuter avec des personnes qui vivent dans un univers différent du mien, ou lire un livre qui me fait découvrir un nouveau sujet que je ne connais pas du tout.
J’essaie aussi de transformer chaque rencontre en « Curiosity Meeting » en posant plein de questions aux personnes que je rencontre.
Des questions comme celles-ci –
-
A quoi est-ce que tu passes la plupart de ton temps ?
-
A ton niveau, quel est ton plus gros problème ?
-
De quoi est-ce que tu es le plus fier ?
- Qu’est-ce qui t’excite dans les semaines à venir ?
-
Si aujourd’hui était ton dernier jour sur terre et que tu devais laisser un manuel, un mode d’emploi avec 3 phrases pour ton fils, pour ta famille, qu’est-ce que tu écrirais dedans ?
Et ma question préférée :
-
Comment est-ce que je pourrais t’aider ?
Je suis toujours surpris de constater comment avec de telles questions un diner très superficiel peut devenir une soirée inoubliable… et comment on découvre ou redécouvre que les gens que l’on croit connaitre sont incroyables.
S’amuser
Bon, c’est clairement le plus difficile pour moi… Le lâcher prise n’est pas mon fort. Mais c’est vraiment un point que j’ai observé chez mes « vieilles idoles » : ils ont gardé une part de leur esprit d’enfant et n’hésitent jamais à y faire appel et à s’amuser.
Gardons espoir !
Oui, je crois que la vieuxconisation est une maladie incurable. Mais c’est une maladie qui peut être ralentie.
Restons humble, continuons à apprendre, à lire des livres, sachons nous entourer de plus jeunes que nous, restons curieux, et amusons-nous !
Et peut-être qu’ainsi je pourrai, vous pourrez, plutôt que devenir un vieux con, devenir un vieux sage !
« La différence essentielle entre un jeune con et un vieux con réside dans le temps qu’il leur reste à être cons. »
Jean Dion
Mon amie Paloma me signale que que la curiosité et l’humilité sont aussi de très bon outils pour éviter la vieuxconnisation 🙂